Construction bas carbone : baliser le champ des possibles

© Atlanbois

P&Ma place des attentes élevées sur la sobriété en carbone du futur quartier Chapelle Charbon, qui implique un recours massif au bois ou à d'autres matériaux bas carbone. Pour s'assurer du réalisme des objectifs qu'elle assignera bientôt aux maîtrises d'œuvre des lots de construction et explorer les voies possibles, elle a fait réaliser des simulations.

Construire en bois est l'une des cinq règles fondamentales que s'est données h2o Architectes, membre de l’équipe de maîtrise d'œuvre urbaine du projet Chapelle Charbon.

L'utilisation du bois se développe dans la construction, offrant une alternative au béton ou à l'acier dont la production est fortement émettrice de carbone, le béton présentant l'autre inconvénient majeur d'épuiser les ressources de la planète en granulat. C'est pour aller plus loin, et surtout plus vite, que l'interprofession de la filière bois FIBois a invité les aménageurs et maîtres d'ouvrage d’Île-de-France à signer le Pacte Bois-Biosourcés. Les signataires, dont P&Ma fait partie, se sont ainsi engagés à réaliser entre 10% et 40% de leur construction francilienne en bois et autres matériaux biosourcés d’ici 2025, et à organiser leur montée en compétence dans ce domaine. L'enjeu est d'enclencher un "véritable changement systémique" dans le secteur de la construction.

C’est dans ce contexte que P&Ma a lancé une étude1 approfondie des usages possibles du bois et autres matériaux biosourcés dans l'opération Chapelle Charbon. Plus généralement, cette étude porte sur les alternatives au béton traditionnel. Elle n'exclut pas d'autres matériaux tels que la pierre et la terre crue, ni les bétons "bas carbone" issus de la R&D.   

Une problématique complexe appelant des expertises multiples

L'utilisation de matériaux bas carbone, qu'ils soient bio ou géosourcés, tend à élever les coûts par rapport à la construction en béton classique, ultra-dominante et rendue compétitive par des effets de volume et de structuration industrielle. Si les filières bas carbone sont appelées à prendre le relais, elles seront sans doute plus coûteuses et plus risquées, notamment en termes d'approvisionnement, durant la phase de transition. Il faut également tenir compte de freins techniques ou normatifs, par exemple liés à la sécurité incendie, susceptibles de complexifier l'usage de ces matériaux à court terme. Ces limites sont toutefois à relativiser car la situation évolue rapidement et les filières sont en train de se structurer pour faire face à la demande. L’étude en tient compte, d’autant que les premiers bâtiments ne sortiront pas de terre avant trois ans.  

Par ailleurs, des considérations esthétiques ou culturelles ne sauraient être écartées. Ainsi la généralisation du bois en façade n'est-elle ni souhaitable ni même envisageable, tant elle romprait avec la tradition de la pierre et de l'enduit à la chaux qui fondent l'identité architecturale parisienne. Le vieillissement du bois en façade, en milieu urbain, est en outre accéléré par les multiples agressions liées aux diverses pollutions.

Finalement, de nombreux enjeux interdépendants sont présents dans la construction bas carbone. Ils forment une problématique complexe que seule la coopération de plusieurs experts pourra résoudre, en croisant leurs connaissances des performances techniques et environnementales des matériaux et de l'appareil normatif associé, de l'état des filières de production, de l'économie de la construction, des modes constructifs et de l'architecture.

C'est ce raisonnement qui a conduit l'agence h2o Architectes à s'associer les compétences d'un ingénieur spécialisé dans la construction en bois et matériaux alternatifs au béton (LM Ingénieur), d'un économiste (BMF) et d'un spécialiste de la sécurité incendie (Casso et Associés). 

Cette équipe élargie s'est également appuyée sur l'AMO Bas Carbone de P&Ma pour cette opération (Franck Boutté Consultants), notamment en ce qui concerne la performance énergétique des bâtiments et le confort d’été. Franck Boutté Consultants a également apporté son expertise en matière de modélisation de scénarios constructifs.

Simuler différents modes constructifs bas carbone

L'étude commence par l'inventaire des matériaux disponibles. Outre le bois, les matériaux biosourcés comprennent le chanvre, le liège, la paille, le chaume, la bambou, l'osier et bien d'autres, certains étant au stade des essais techniques voire de l'expérimentation initiale. La pierre, la terre crue et le béton, géosourcés, font partie de l'inventaire. Selon leurs propriétés, les matériaux peuvent intervenir soit dans la structure du bâtiment, soit dans son isolation, soit enfin dans son habillage.
Pour réduire l'éventail théorique des possibles à un nombre raisonnable d'options, l'équipe a d'abord éliminé les matériaux manifestement inadaptés en raison du manque d'organisation de la filière ou de l’éloignement des sites de production ainsi que de leur aspect esthétique. Elle a ensuite confronté les matériaux à un projet architectural sommaire (APS) d’un bâtiment répondant aux prescriptions urbaines, architecturales et paysagères de la ZAC. Ce projet sommaire est suffisamment détaillé pour distinguer trois parties dans le bâtiment, le socle, le cœur et l'attique, avec chacune ses contraintes et opportunités propres, guidant le choix de matériaux. Il a été développé sur un des lots du futur quartier.

Les matériaux suivants ont ainsi été retenus :

- Socle : béton-pisé, bois lamellé croisé (CLT), bois-pierre
- Cœur : Scénario 1 : bois lamellé croisé (CLT) et béton de chanvre / Scénario 2 : bois et pierre
- Attique : bois paille, bois chaume ou terre allégée.

Deux scénarios de construction employant ces matériaux ont été simulés de manière précise, jusqu'aux détails de mise en œuvre et aux contraintes éventuelles de sécurité incendie. Ils comportent une soixantaine de variantes et des dizaines de pistes d'optimisation. L’outil Design Explorer a permis de “naviguer” dans les résultats et de repérer les meilleures combinaisons. 

Un troisième scénario témoin en bois-béton bas carbone a également été simulé pour servir de référence.

Les scénarios et l’ensemble de leurs variantes ont ainsi pu être évalués suivant quatre  paramètres :

- Le poids carbone de la construction (indicateur : EGES PCE) 
- La performance énergétique (indicateurs : EGES total, bilan BEPOS, CEP, BBio)
- Le confort d'été (indicateur : nombre d’heures où la température dépasse 28°C) 
- Le coût de construction.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Deux scénarios performants et réalistes 

Les différents scénarios sont tous compatibles avec le niveau C1 du référentiel E+C- exigé par le Plan climat de la Ville de Paris. L’étude démontre comment deux scénarios contrastés mobilisant le bois et d’autres matériaux biosourcés permettent d’atteindre les plus hauts niveaux de performance du label BBCA (performance voire excellence) :
- Bois lamellé croisé (CLT) et béton de chanvre (scénario 1)
- Ossature bois et pierre (scénario 2).

L’approche détaillée mesure le confort d’été et la dépense énergétique suivant l’exposition du bâti pour objectiver les performances des matériaux mobilisés.

Dans un souci de réalisme économique, les coûts de construction, dans les deux cas, ont été évalués. Ils sont de l’ordre de 2 600 €/m2 SDP, comparables à ceux observés dans des opérations parisiennes complexes à haute ambition environnementale. Les auteurs de l’étude considèrent que ce prix est susceptible de baisser d’ici la construction effective des bâtiments si les filières parviennent à se structurer, notamment grâce à une visibilité accrue sur leurs perspectives de commande.  

Ainsi l’étude comparative de scénarios constructifs et de leurs variantes permet d’ouvrir et de baliser la palette des possibles, de proposer une base commune de connaissances et des outils de suivi de projet qui seront partagés demain avec les équipes de conception des lots.

Cette étude accompagnera le cahier des charges de la consultation d’opérateurs immobiliers et des consultations de maîtrise d’oeuvre qui seront lancées début 2022. 

 

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L’étude a été réalisée avec le soutien de la Région-Ile-de-France, au titre du Réflexe Bois-Biosourcés.