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"La ville doit être faite avec tout le monde"

Jean-François Danon, directeur général de P&Ma © Eric Facon - Signatures

Interviewé par Innovapresse, Jean-François Danon, directeur général de P&Ma explique comment s'organisent l'activité et les projets de Paris & Métropole Aménagement, pendant le confinement. L'occasion pour lui d'évoquer les enjeux auxquels feront face les acteurs de la fabrique urbaine au sortir de cette crise.

Avec la mise en place du confinement, comment vous êtes-vous organisés chez Paris & Métropole Aménagement ?
Nous sommes organisés en télétravail. Notre chance, c’est que nous avions déjà une charte de télétravail, donc ce n’était pas une nouveauté. Nous avons approfondi et mis en oeuvre les visioconférences et les conférences téléphoniques, avec la volonté de poursuivre nos opérations dans les meilleures conditions. Les comités de direction ont été maintenus, ainsi que les points avec les chefs de projets, et le travail avec tous nos prestataires. Nous devrions reprendre les premiers chantiers dans la première quinzaine de mai, avec comme point majeur le respect strict et draconien des mesures sanitaires. Nous allons bien sûr commencer avec des petits chantiers, où il n’y aura pas un nombre d’ouvriers trop important.

Concrètement, dans quelles conditions vont reprendre les chantiers ?
Le guide publié par l’OPP-BTP permet une reprise sécurisée de l’activité. Evidemment, nous sommes tous en train d’apprendre mais c’est le cadre dans lequel on s’inscrit, le cadre de référence. Nous travaillons beaucoup avec la Ville de Paris. Et sommes très en lien avec l’espace public et avec la direction de la voirie et des déplacements de la Ville de Paris, qui a elle aussi mis en place un guide. Nous avons deux référentiels dans le même esprit qui nous permettent de reprendre l’activité.
La principale conséquence, au moins au début, sera un ralentissement des opérations. Il y a deux faits : le nombre de personnes sur les chantiers sera plus faible que la situation d’avant et ces personnes auront les fonctions traditionnelles, mais aussi des fonctions sanitaires différentes qui vont impacter leur propre métier, à travers les précautions sanitaires à intégrer. Aujourd’hui, bien malin est celui qui peut indiquer les conséquences économiques de ce ralentissement. Tout le monde en est bien conscient, sans pouvoir les évaluer. J'ai un sentiment de coopération et je pense que tout le monde veut redémarrer en sécurité.

Les ordonnances publiées par le gouvernement ont-elles affecté votre activité ?
La Ville de Paris continue d’instruire tous les permis. Nous avons plusieurs grandes opérations : Clichy-Batignolles, sur laquelle nous finissons les chantiers, et Saint-Vincent-de-Paul, Chapelle-Charbon et Gare des Mines, où nous sommes en phases d’études ou de démarrage et nous ne sommes pas dans des dépôts de permis de construire. Nous sommes dans des périodes de travail avec les promoteurs, les bailleurs sociaux à Saint-Vincent-de-Paul, où les attributions sont récentes. Nos activités n’ont donc pas été interrompues.
En revanche, notre cadence de travail a été ralentie puisque nous travaillions en ateliers, avec beaucoup de partenaires. Aujourd’hui, nous sommes obligés de travailler en bilatéral, une manière de fonctionner qui est nouvelle. On n’élabore pas dans les mêmes conditions quand on a 30 personnes dans la salle et quand on fait des réunions en visioconférence.

La crise sanitaire que nous traversons impactera-t-elle la manière de faire la ville ?
Je dirais que oui, mais je reste modeste et prudent. Je dirais qu’il n’y aura pas radicalement un avant et un après. Aujourd’hui ce qui intéressant, c’est que la dominante dans les opérations d’aménagements, c’est le changement climatique, le développement durable. Notre cadre global, c’est celui-là et nous le mettons en œuvre dans nos projets. Cet événement ne fait que nous pousser à faire preuve d’une exigence absolue sur la résilience des villes. Dans ce cadre-là, il y a sûrement un objectif sanitaire, qui existe déjà et qui va prendre de l'importance. Nous sommes déjà très attentifs à la qualité de l’air, à la pollution de l’eau. Mais, ce qui est sûr, c’est que ça va aller plus loin.
Une autre tendance émerge, qui est à l’élargissement et au déplacement du métier d’aménageur vers le rôle du gestionnaire de quartier. Il faut réfléchir sur le sujet car cette tendance va s'accentuer. Jamais nous n’avions imaginé des villes confinées, et cela va renforcer notre vision du gestionnaire de territoire, qui se traduit par une anticipation.

Ceux qui pensent et font la ville de demain seront donc confrontés à de nouveaux enjeux ?
La notion d’agilité va prendre une importance particulière dans les aménagements. Le fait de pouvoir réagir, de pouvoir modifier, va être absolument essentiel. Et sur un tempo plus rapide que ce à quoi nous nous attendions. Nous étions conscients de la nécessité de construire des logements ou des bureaux qui peuvent évoluer, mais il ne s’agit plus seulement d’évolution. Il faut prévoir dès à présent des dispositif techniques qui permettent de faire face aux crises. Il y a un devoir d’anticipation qui est très intéressant mais qui va peser sur nous. Cela ne rebat pas les cartes, mais l’agilité devient un élément essentiel au cœur de la réflexion. 
Cette crise renforce aussi la responsabilité citoyenne, et ma conviction que la ville doit être faite avec tout le monde. A Saint-Vincent-de-Paul, nous avons désigné un panel de 40 personnes, qui sont les futurs habitants des immeubles, et qui ont accepté de participer à l’élaboration et à la construction des immeubles. Entre le 15 mars et aujourd’hui, la conception des communs ou la disposition des appartements aura évolué, puisque nous aurons vécu cette période ; la richesse des expériences des uns et des autres sera majeure.

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