Saint-Vincent-de-Paul : l'héritage de l'urbanisme transitoire capitalisé dans les socles

© Sergio Grazia

Forme urbaine, programmation, gestion : l'expérience des Grands Voisins a inspiré à plus d'un titre la conception des socles actifs du futur quartier.

Le point de départ

Une mixité fonctionnelle peu définie
En décembre 2016, la SPLA Paris Batignolles Aménagement (devenue Paris & Métropole aménagement, P&Ma) devient concessionnaire de la ZAC Saint-Vincent-de-Paul, projet principalement résidentiel hormis un « grand équipement privé d’intérêt général » de 6000 m², et un peu plus de 6 000 m² également de commerces et activités. Pour ces derniers, le traité prévoit simplement que certains locaux seront destinés à des incubateurs, espaces de coworking et tiers-lieux. Il est par ailleurs acquis que la faible commercialité du site lui permet difficilement d’accueillir plus de 800 m² environ de commerces.

Les Grands Voisins changent la donne
Le site de l’ancien hôpital est alors occupé à titre temporaire par les Grands Voisins. Cette expérience que l’on n’appelle pas encore d’urbanisme transitoire, portée par les associations Aurore, Yes We Camp et Plateau Urbain, est exceptionnelle par son échelle et sa mixité. À l’issue d’une première phase de prototypage, les trois partenaires vont démontrer la viabilité de leur modèle conjuguant hébergement d’urgence, animation / restauration et mise à disposition de locaux d’activité en échange d’un loyer modique pour contribuer aux charges du site. Au cours de la « saison 1 » des Grands Voisins, entre 2016 et fin 2017, jusqu’à 250 structures associatives et entrepreneuriales travailleront sur le site, près d’un millier de personnes y seront hébergées et jusqu’à 5 000 visiteurs par jour y seront accueillis.

Un soutien politique affirmé
Les Grands Voisins vont bénéficier d’un fort soutien politique. Et de fait, ce que leur succès confirme, à savoir la capacité du site à devenir une destination, non pas commerciale, mais d’un nouveau genre, répond parfaitement aux attentes de la Ville. « Nous voulions vraiment une occupation mixte, et non pas simplement artistique
comme cela se pratiquait le plus souvent à l’époque, rappelle Carine Petit, maire du 14e arrondissement. Nous avions l’intuition que le temps long et le volume disponible allaient permettre de développer autre chose et d’apporter un peu de vie dans ce quartier qui en manquait beaucoup. Et puis c’est aussi une philosophie politique que de provoquer des rencontres, entre les acteurs du social, de la culture et de l’artisanat. Cela crée toujours des choses intéressantes. »

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L’opportunité offerte par les cours anglaises
Pour Yannick Beltrando et l’équipe de maîtrise d’oeuvre urbaine, c’est un argument de plus en faveur de la valorisation des volumes situés dans les soubassements des bâtiments conservés et ouvrant sur des cours anglaises. Cela est d’autant plus intéressant, sur le plan patrimonial, que ces cours anglaises sont quasi inexistantes à Paris, ayant été pour la plupart supprimées lors de la restructuration haussmannienne, sauf dans les hôpitaux. Ici, elles seront non seulement conservées, mais s’imposeront aussi aux bâtiments neufs de sorte que les socles des bâtiments auront tous deux niveaux : cour anglaise plus rez-de-chaussée.

Les grands voisins ont servi notre ambition pour ce quartier

Yannick Beltrando
Architecte urbaniste coordonnateur du quartier Saint-Vincent-de-Paul

« Quand nous avons été retenus en 2015, nous avons proposé d’ajouter de la mixité fonctionnelle à ce projet qui était très résidentiel. Nous avions aussi l’intuition que les cours anglaises pouvaient jouer un rôle dans ce sens. C’est peu dire que les Grands Voisins ont servi notre ambition, au-delà de ce que nous pouvions imaginer. […]

Les volumes en cours anglaises ont des caractéristiques différentes et sont plus ou moins encaissés. Dans le bâtiment Lelong, ils offrent de grands plateaux lumineux avec quatre mètres sous plafond sans points porteurs. Le bâtiment Pinard, plus fin et ouvert en cour anglaise sur deux côtés, accueillera des locaux de type pépinière.

Le bâtiment neuf du lot Petit est conçu pour offrir de grands locaux rationnels flexibles, tandis que le lot Chaufferie, avec ses trois plots, est au contraire destiné à des « micro- ateliers » pour artisans à rez-de-chaussée et de vastes surfaces en sous-sol. Finalement, les locaux sont soit très flexibles, soit très spécifiques.

Parmi les nombreux souhaits que nous avions et qui ont été confirmés par le succès des Grands Voisins, il y a le fait que le site ait été entièrement piétonnier. Dans le futur quartier, l’espace public sera une zone de rencontre avec une voie en boucle à sens unique (donc pas un raccourci pour traverser l’îlot) qui permet d’assurer les livraisons ou la dépose. Elle a dix mètres de façade à façade, sans trottoir mais avec une chaussée circulée limitée à quatre mètres de large, et quelques places réservées aux livraisons et aux personnes à mobilité réduite.

En l’absence de rues classiques, nous avons un travail fin à faire avec la RIVP [Investisseur unique des socles] sur les enseignes, les vitrines, l’éclairage. Nous voulons créer une ambiance intéressante et fonctionnelle, ce n’est pas le Carré des Arts, mais ce n’est pas non plus une zone d’activité. Il faudra traiter ces voisinages inhabituels, dans un quartier résidentiel qui attend 1 400 habitants aspirant à une certaine tranquillité. Cela pose beaucoup de questions, cela demande à tout le monde de se réinventer, sans compter qu’on ne peut pas généraliser les solutions du fait de la coexistence de neuf et de réhabilité. Les vitrines et les enseignes doivent être adaptées à chaque architecture. »

La transformation

De l’activation de facto à la préfiguration
La « saison 1 » des Grands Voisins avait agi comme une phase d’activation, qui allait réorienter de facto la conception du projet d’aménagement : une partie de ce qui était né à Saint-Vincent-de-Paul, et avait apporté au site une valeur incontestable, devait y prospérer dans le quartier futur1. Les trois associations partenaires dans les Grands Voisins – Aurore, Yes We Camp et Plateau Urbain – nous y ont aidés en qualité de maîtres d’usage, en poursuivant l’activation pendant la conception du projet.

S’agissant des activités en particulier, un premier outil a été l’enquête très fouillée réalisée par Plateau Urbain auprès des structures accueillies aux Grands Voisins, complétée de recommandations en termes de locaux, de loyers, d’espaces partagés et d’animation. En outre, et surtout, nous avons organisé avec les trois partenaires une « saison 2 » d’occupation temporaire, sur la période 2018-2020, resserrée dans l’espace pour faire place aux premiers travaux. P&Ma a réalisé les aménagements permettant de tirer le plus longtemps possible le fil rouge de cet urbanisme transitoire malgré les complexités de la cohabitation. C’est ainsi qu’a pu être préfiguré et testé le concept de boutiques-ateliers, et sa grille de loyers progressifs (même si le covid n’a pas permis de mener l’expérience à son terme).

En outre, une actualisation de l’étude de marché initiale, pour les commerces, a conclu que « En quelques années le site est devenu une adresse métropolitaine grâce aux Grands Voisins, projet d’économie sociale et solidaire (ESS) qui a permis d’attirer de nombreux visiteurs et d’exister dans la cartographie des sorties parisiennes. Plusieurs activités commerciales sont présentes sur le site et pourraient être pérennisées telles que la Ressourcerie Créative, et les activités de bar-restaurant. Grâce aux Grands Voisins, le contexte est aujourd’hui plus favorable pour expérimenter des formes commerciales innovantes (étude Bérénice, 2019). »

1 Au-delà de la stricte question des socles, le côté dedans / dehors, communs / privé, solidaire / festif, résidentiel / économique, chacun de ces axes allait donner matière à réflexion.

 

Innovation : plus sociale et solidaire que smart
Grâce à ces éléments objectifs, le positionnement des activités économiques, a été clairement axé sur des activités servicielles, artisanales, écologiques, solidaires ou artistiques, et utiles au quartier. Ce positionnement va de pair avec des baux courts et des loyers abordables et progressifs sur une partie des locaux. Les socles offriront ainsi un tremplin immobilier à de jeunes entreprises se lançant dans ces activités, afin de soutenir leur développement.

Trois conditions pour pérenniser l’occupation des socles
Une fois ce positionnement adopté, s’est posée la question de sa pérennité. Nous avons identifié trois conditions :
- La première était qu’un investisseur unique acquière la totalité des socles2 pour y maintenir les équilibres programmatiques voulus et faire jouer les péréquations prévues entre les différents niveaux de loyer. Les cessions de charge foncière des différents lots concernés intégraient donc la vente en VEFA des socles à ce futur investisseur ;
- La seconde était que cet investisseur s’engage à maintenir une politique de loyer maîtrisé dans la durée. Sachant qu’aucun moyen juridique ne peut le lui imposer, seul un acteur de l’économie mixte, plus précisément une SEM dont la Ville de Paris est actionnaire et qui par définition applique sa politique, était susceptible de remplir cette condition. Le choix de la Ville s’est porté sur la RIVP, qui possède et gère plus de 180 000 m² de locaux d’activité et dont le modèle économique vise un retour sur investissement moins rapide que celui des investisseurs privés ;
- La troisième condition était qu’il sache constituer, animer et soutenir la communauté des occupants des socles dans le sens de leur intérêt et de celui du quartier (fonction servicielle et d’animation). Ne possédant pas cette compétence, la RIVP devait donc s’adjoindre les services d’un gestionnaire spécialisé.

2 Plus précisément, il va racheter l’ensemble des socles à l’exclusion de ceux occupés dans la façade Denfert par La Collective, destinés à un autre investisseur

 

Pré-programmation et grille de loyers
Les données transmises par Plateau Urbain nous ont permis de construire un « compte à rebours » aboutissant à un niveau de charge foncière compatible avec les loyers adaptés aux entreprises de l’ESS.

La RIVP a repris à son compte et fait compléter les premières études par un AMO, le groupement Soletdev et The Street Society. La pré-programmation et la grille de loyers qui en résultent distinguent quatre types de locaux. Par prix croissant : les locaux artisanaux, les boutiques-ateliers, les pépinières d’entreprises3 et les commerces. Le prix des VEFA à la RIVP par les opérateurs des différents lots, tel que prévu dans les documents de la consultation en vue de la cession des charges foncières, tient compte de ces niveaux de loyer.

Pré-programmation des socles de la RIVP
La mission de pré-programmation des socles confiée par la RIVP à Soletdev et The Street Society a abouti aux « teintes programmatiques » suivantes :
- Pinard : des espaces de travail accessibles, autour du bien-être, des loisirs et de l’apprentissage ;
- Lelong : un pôle de production et de représentation pour les industries culturelles et créatives ;
- Chaufferie : des programmes hybrides à forte teinte servicielle et solidaire ;
- Petit : un écosystème d’activités artisanales démonstratrices de la démarche de circularité ;
- Denfert : une façade commerciale rayonnante de proximité.

Ces orientations résultent du croisement de quatre données :
- Visions et valeurs issues d’un diagnostic territorial et de l’héritage des Grands Voisins ;
- Éléments programmatiques déjà prévus dans les socles ou les étages (ressourcerie créative et logements ateliers dans le lot Petit, hébergement
d’urgence Aurore dans le lot Chaufferie…) ;
- Contraintes et opportunités de l’environnement (facilité de livraison, sensibilité au bruit…) ;
- Typologies des cellules (nano-lot, plateaux, atelier-boutique, local atypique, dans le neuf ou en réhabilitation…).

De nombreux « ateliers socles » ont permis de mettre en cohérence les intentions politiques de la Ville de Paris, l’orientation programmatique, la conception des locaux et leur rapport à l’espace public (dont les sujets récurrents de l’éclairement naturel des locaux sur cour anglaise, du traitement des vitrines, et des lots techniques spécifiques en fonction des locaux et de leur pré-programmation). Les socles acquis par la RIVP représentent 7 300 m² environ de surfaces utiles, dont 4 500 m² en cour anglaise.

3 Locaux classés CINASPIC (construction et installation nécessaire aux services publics ou d’intérêt collectif) au PLU. L’équipement privé d’intérêt général (6000 m²), maintenu dans le programme et dans le plan de la ZAC malgré la défection de la Fondation Cartier, la surface correspondante a été redistribuée pour 4000 m² dans la Façade Denfert où il sera occupé par La Collective, et pour presque 3000 m² au niveau cour anglaise des bâtiments Pinard et Lelong, destinés à des pépinières d’entreprises (éligibles à ce classement).

 

 

 

La Collective : art, engagement et solidarité
L’accueil de ce programme composite appelé La Collective dans la Façade Denfert est une proposition de Cogedim et CDC Habitat, groupement lauréat de la consultation d’opérateurs immobiliers pour ce lot.

Inspirée des Réinventer Paris, cette consultation appelait les candidats à s’entourer d’un ou plusieurs exploitants pour accueillir un grand équipement privé d’intérêt général de rayonnement local et métropolitain dédié à la création. Le concept proposé par l’association Thanks for Nothing, qui continuera à représenter et animer le groupement des partenaires en phase d’exploitation, s’est clairement démarqué parmi les différentes propositions.

La Collective tisse des liens permanents et « horizontaux » entre art, engagement et solidarité. Un exemple : les oeuvres d’art – nombreuses à traiter de sujets de société (anthropocène, réfugiés…) – aiguisent la conscience des visiteurs, qui pourront pousser la porte de l’incubateur Make Sense, largement ouvert sur l’extérieur pour constituer « une interface accueillante pour s’engager » auprès des multiples structures associatives hébergées.

La distribution du programme de La Collective dans l’espace est un plus incontestable pour la visibilité de chaque composante et pour l’animation du futur quartier. Thanks for Nothing ne voulait pas d’un « lieu monolithique, mais faire entendre la voix des artistes et des associations ». Le principe est que chaque espace du projet se trouve dans le prolongement de l’espace public : « on passe sous un porche, on traverse une cour et on y est ». Un parcours d’oeuvres dans l’espace public est en préparation.

Expérimenter en dehors du marché est plus facile

Simon Laisney
Directeur général fondateur de Plateau Urbain

« Les Grands Voisins ont été la caisse de résonance de tout ce que nous défendions : le droit à la ville pour les exclus, l’expérimentation, l’acceptabilité de l’urgence en ville, le fait que tout cela puisse impacter la programmation de quartiers. Expérimenter en dehors du marché est plus facile. Ces espaces intercalaires créent des sortes de respiration qui nous permettent de penser autrement la ville et de tester.

Les Grands Voisins ont été le plus grand site d’urbanisme transitoire d’Europe, même si on ne l’appelait pas encore comme ça. Ce village solidaire a mis Paris à la pointe de l’innovation sociale et urbaine avec trois ou quatre ans d’avance sur les idées de frugalité… Nous sommes nés pile au point de rupture entre la smart city hyper connectée et la zéro artificialisation nette. »

La RIVP, acquéreur des socles actifs

Sylvie Acker
Secrétaire générale de Paris & Métropole Aménagement
Daniel Schneider
Directeur de la construction de la RIVP

SA «Nous avions déjà fait le choix d’un investisseur unique à Clichy-Batignolles, mais cela ne permet ni de rendre opposable le plan de merchandising, ni d’éviter la revente, car on ne peut pas contraindre le droit d’usage de la propriété sur du long terme. Le choix d’un investisseur appartenant à la sphère de la Ville de Paris est la
meilleure sinon la seule garantie du respect de la destination des locaux, et contre la dérive spéculative. »

DS « Il est impossible de laisser le marché agir si l’on veut plafonner les loyers puisque la mission d’un investisseur privé est précisément de faire monter les loyers pour augmenter la valeur de l’actif. Celle de la RIVP, avec son actionnaire public majoritaire, est d’aider les entreprises à trouver de l’immobilier dans Paris. Les niveaux de loyers et de prix prévus ici sont cohérents avec une rentabilité « raisonnable », c’est-à-dire un TRI de 3,5 % là où les foncières privées vont rechercher 10 %. La RIVP est capable d’emprunter à des taux fixes très faibles de l’ordre de 1 à 2 % et sur 40 à 50 ans sans apport de fonds propres. Ses actionnaires ne la jugent pas sur sa rentabilité à court terme. »

La gestion future

Une mission experte
La programmation des socles répond à des intentions multiples, puisqu’il s’agit à la fois de soutenir l’ESS et les activités protectrices de l’environnement, d’offrir un tremplin immobilier à de jeunes entreprises, et de faire en sorte que ces activités rendent des services aux habitants du futur quartier. Cette ambition requiert en premier lieu des compétences spécifiques en matière de commercialisation pour attirer puis sélectionner les utilisateurs répondant à ce profil, tout en respectant les équilibres qui permettront à la RIVP d’atteindre ses prévisions de revenu locatif. D’autres compétences seront nécessaires pour animer la communauté des acteurs économiques présents dans les socles (création d’un écosystème cohérent, animation, événementiel, mise en réseau…). Tout en conservant la gestion immobilière classique des socles, la RIVP a donc prévu de s’associer une assistance en matière de commercialisation et d’animation spécialisées.

Au-delà des socles, les besoins d’une gestion de quartier
De son côté, P&Ma réfléchit de longue date aux formes que pourrait prendre la gestion du quartier dans son ensemble. D’une manière générale, l’idée qu’il faille accompagner les habitants des écoquartiers dans les premières années de leur installation n’est pas entièrement nouvelle, que ce soit pour assurer la bonne prise en main d’équipements énergétiques ou environnementaux par les habitants et les gestionnaires des immeubles, pour veiller au respect de règles de bon voisinage, ou encore pour favoriser la constitution de liens entre les habitants.

À Saint-Vincent-de-Paul, ce besoin d’accompagnement technique sera nécessaire, pour faciliter l’usage d’innovations telles que la collecte séparative des urines, le réemploi, une gestion des eaux pluviales impliquant l’entretien rigoureux des espaces verts ou encore la centrale de mobilités.

Il faut en outre souligner le caractère très mixte du peuplement du futur quartier, qui offrira des logements allant de l’hébergement d’urgence à l’accession à la propriété, en passant par toute la palette du logement social (PLS, PLUS, PLAI). Dans ce contexte, le lien social à l’échelle du quartier ne va pas forcément de soi. Pour le favoriser, l’aménageur a veillé à encourager les usages partagés de certains espaces. C’est le cas notamment du « super-équipement public » regroupant une école, un gymnase et une crèche, qui sera partiellement ouvert au quartier hors temps scolaire (voir Façons de Faire #2). D’autres bâtiments, hauts-lieux d’animation du temps des Grands Voisins vont conserver cette fonction. Enfin, certaines parties communes d’immeubles d’habitation telles que les cours et jardins en coeur d’îlot, les palliers, les toitures ou les halls pourront également se prêter à des usages partagés à l’échelle de l’immeuble voire du quartier.

Une gestion mutualisée et auto-financée
C’est la multiplicité des besoins qui a fait germer l’idée d’un gestionnaire de quartier Saint-Vincent-de-Paul, assurant à la fois les missions requises pour le bon fonctionnement des socles appartenant à la RIVP et celles visant la vie du quartier. Cette double mission doit permettre de mutualiser les moyens et de favoriser les relations entre les habitants et les occupants des locaux d’activité.

Concrètement, la RIVP désignera après consultation un concessionnaire de service, pour une durée renouvelable a priori de cinq ans, qui :
- Contribuera à la commercialisation et à la gestion des socles propriété de la RIVP et animera cet écosystème ;
- Animera la communauté habitante de Saint-Vincent-de-Paul.

En contrepartie de ces services, la RIVP mettra à sa disposition trois bâtiments – La Lingerie, siège des activités événementielles des Grands Voisins, l’Amphithéâtre du bâtiment Lelong et la Maison des médecins. L’exploitation libre mais encadrée de ces différents lieux doit permettre au concessionnaire de dégager les recettes qui viendront rémunérer son personnel, car il ne touchera aucune rémunération directe. À lui de concevoir l’offre qui lui permettra de s’auto-financer, étant entendu que les activités accueillies dans ces bâtiments devront être cohérentes avec ses missions d’animation, et même les faciliter. Un comité représentant la RIVP, la Ville de Paris et P&Ma assurera le suivi des missions du concessionnaire.

Consultation à venir
La consultation sera lancée en 2023, de manière à ce que le concessionnaire soit en place plusieurs mois avant la livraison des bâtiments. Un cahier des charges viendra préciser les missions ainsi que les activités possibles dans les lieux mis à la disposition du gestionnaire. Pour le moment, des simulations prudentes, fondées sur des données issues de l’expérience des Grands Voisins, confirment les possibilités d’autofinancement. En complément, et de manière facultative, le concessionnaire pourra dégager des recettes supplémentaires en proposant des services d’entretien ou de gestion aux bailleurs ou aux copropriétés du quartier.

 

Pas de bail unique ni de propriété commerciale

Daniel Schneider
Directeur de la construction de la RIVP
Sylvie Acker,
Secrétaire générale de Paris & Métropole Aménagement

DS « Dans une première réflexion, il a été question de louer en bloc à un opérateur chargé de trouver des entreprises utilisatrices dans la sphère de l’économie sociale et solidaire, dont il aurait lui-même fait partie. Mais cette solution a été écartée pour trois raisons. En premier lieu, le bail aurait créé une propriété commerciale pour le titulaire, d’autant plus élevée que les loyers sont faibles (donc rares), donc très onéreuse en cas de rachat, surtout rapportée à la faible rémunération des loyers. Ensuite, compte tenu de la surface, les règles de gestion de la RIVP auraient exigé du preneur des garanties très élevées, ce qui excluait de facto toute entreprise naissante ou encore fragile. Enfin, ce scénario exposait la RIVP au risque de 100 % de loyers impayés en cas de défaillance de ce locataire. »

SA « Si nous avons choisi le véhicule de la concession de service, c’est notamment parce qu’il procure beaucoup de souplesse et ne génère pas de propriété commerciale. Le concessionnaire va exploiter les lieux que la RIVP mettra à sa disposition en contrepartie de ses services, et les rendra à la fin de son contrat sans pouvoir prétendre à une indemnisation. C’est important de ne pas obérer l’avenir par des contraintes financières. »

 

Investir dans l’humain

Carine Petit
Maire du 14e arrondissement

« Le montage qui a été trouvé passe par la mise à la disposition du gestionnaire de locaux à titre gracieux. C’est une manière d’utiliser l’opération d’aménagement pour investir dans l’humain et pour nous c’est très important. C’est plus cher qu’une application numérique ou un numéro vert, mais c’est surtout beaucoup plus efficace, en particulier pour les personnes socialement fragiles. Cet investissement permet d’éviter des coûts liés à l’insécurité, aux dégradations matérielles, mais aussi tous les coûts indirects qui ne sont jamais évalués, liés à l’isolement des habitants par exemple. Pourquoi n’avons-nous vu quasiment aucune intervention des services de la propreté et de la police alors que des centaines de personnes vivaient, travaillaient ou se rencontraient sur le site, pendant trois ans et sur trois hectares ? Parce que les gestionnaires (Aurore, Yes We Camp et Plateau Urbain) ont su faire respecter des règles en impliquant tous les acteurs dans le projet de vie collective des Grands Voisins. Ils ont démontré qu’il était possible, en donnant aux gens des outils et des espaces, de les faire contribuer, produire collectivement quelque chose qui dépasse le simple fait d’occuper un logement ou un local professionnel. Le gestionnaire de quartier va poursuivre la philosophie qui a été celle du projet à chacune de ses étapes, habilement mise en oeuvre par Paris & Métropole Aménagement qui a été force de proposition en la matière. Cette philosophie consiste à associer les usagers, au sens large, pour leur permettre d’être responsables de leur cadre de vie, engagés vis-à-vis de la communauté. »